Les vitraux, en particulier les vitraux médiévaux sont particulièrement difficiles à photographier. On peut citer plusieurs raisons :
En général le vitrail est assez loin du spectateur, typiquement il commence à 4 mètres au dessus du sol.
Il y a un contraste très fort entre les parties claires et les parties sombres qu’on aimerait pouvoir « rendre » dans une image. En particulier un vitrail médiéval contient souvent des morceaux de verre très sombres mais truffés de détails peints en grisaille.
Certaines fenêtres comme à la trinité de Vendome n ou l’abbaye St Ouen de Rouen ont un sujet relativement sombre sur un fond très clair de verre blanc. Les reflets internes de l’objectif fournissent une image trop claire des parties colorées du vitrail.
Vu la faible quantité de lumière qui traverse le vitrail il faut des temps de pose relativement longues.
Les dessins peints à la grisaille mettent en évidence les défauts des objectifs photos comme l’aberration chromatique.
La lumière extérieure n’est pas toujours celle qui est optimale pour une bonne photo. De plus le vitrail n’est pas toujours éclairé de manière uniforme.
Le plan du vitrail est rarement perpendiculaire à l’axe optique de l’appareil.
Notre expérience sur presque dix ans de photographie de vitraux nous a permis de dégager un petit nombre de conseils pour réaliser de beaux clichés de vitraux.
Avant de commencer nous insistons sur certaines erreurs de débutants :
Beaucoup de débutants sortent leur flash pour photographier un vitrail. Or ceci témoigne une ignorance des lois de l’optique. En ce qui concerne un vitrail la lumière vient de l’extérieur et traverse le verre. Ce n’est pas en l’éclairant de l’intérieur que vous allez apporter de la lumière au ciel. Vous allez mieux voir la charpente métallique du vitrail (le plomb et les barlotières) mais ceci a un intérêt très limité.
J’ai un ami qui s’est pointé avec un téléobjectif à miroir de focale un mètre dans la Sainte Chapelle et il a trouvé que les résultats étaient désastreux. Certes les objectifs avec stabilisateur d’image permettent de limiter les dégâts, mais lorsque le temps de pose est d’une seconde ou plus un stabilisateur d’images n’est pas d’un grand secours. Il faut utiliser le pied.
Un petit appareil à grand angle peut être utile lorsqu’on veut faire des images de situation (afin de situer un détail dans un ensemble) mais le résultat n’est pas publiable (et pourtant sur Flikr on voit beaucoup de mauvaises photos prises de cette manière).
Le trépied est quasiment indispensable dans la photo de vitrail et plus c’est lourd mieux c’est.
De nombreuses personnes me voyant photographier avec un pied me demandaient à quelle sensibilité je travaillais. Je leur répondais 100 ISO, ce qui provoquait des étonnements. Puisqu’on a un pied alors autant prendre une sensibilité faible afin de réduire le grain au maximum (ou le bruit numérique) et profiter de couleurs aussi éclatantes que possible.
Un petit détail : désactiver le stabilisateur de votre objectif si vous êtes sur pied. En général le « stab » crée des flous non désirés lorsque l’appareil est immobile, comme s’il ne comprenait pas ce qu’il se passait. De plus le stabilisateur s’use à force de servir alors l’éteindre permet de faire durer votre investissement.
Lorsqu’on utilise un pied et un téléobjectif d’au moins 200mm il faut absolument avoir recours à la remonté du miroir de l’appareil afin de minimiser les vibrations causées par le mouvement du miroir lors de la prise de vue. Il faut aussi attendre quelques secondes entre le moment où le miroir est remonté et le moment où l’on déclenche. C’est d’autant plus vrai si le boitier est orienté pour faire un cadrage vertical (dans ce cas attendre au moins 10 secondes).
Dans un ordre d’idée similaire, ne pas faire de photos lorsqu’il y a un passage d’un gros camion.
Rien ne vaut une photo prise de près avec un macro-objectif, mais en général il faut avoir un échafaudage ou le vitrail posé sur une table. Lorsqu’on photographie un vitrail de très près il est souhaitable de masquer avec du carton noir les parties qui ne sont pas dans l’image afin de réduire au maximum la lumière parasite.
Les objectifs sont mis à l’épreuve avec la photographie de vitrail. Plus haut est le contraste, plus le résultat est satisfaisant. Un zoom pas cher risque d’être décevant.
Les objectifs anciens ont un traitement anti-reflet qui est bien moins bon que les objectifs récents, ce qui nuit fortement dans la photographie ou il y a du verre blanc.
Les aberrations chromatiques sont aussi mises en évidence par le dessin de grisaille sur le vitrail.
On a intérêt à photographier à une ouverture comme f/8 à moins de se trouver à un angle extrême où il faut fermer encore plus.
La photographie lorsqu’il y a du soleil est à éviter. Il vaut mieux le faire lorsque le ciel est couvert de nuages, d’une manière uniforme. Ceci étonne beaucoup de gens, mais c’est ainsi qu’on évite des scintillements, des ombres disgracieuses et la mise en exergue des grillages extérieurs. Si c’est possible il faut éteindre les lumières dans l’église. J’ai vu des églises ou les vitraux étaient éclairés de l’intérieur par des spots à la base des vitraux (incroyable !!).
Même si le ciel est relativement couvert, il vaut mieux travailler le matin photographier les parties qui sont orientés vers l’est et l’après midi pour photographier les vitraux orientés vers l’ouest.
Pendant des années j’ai travaillé en argentique parce que la résolution était plus élevé que les capteurs de l’époque. Parfois j’ai travaillé avec du film diapositive, et parfois avec du film négatif et j’ai entendu beaucoup de bêtises à cet égard.
Les diapos c’est bien pour une projection et les couleurs sont très belles, mais l’étendu dynamique qu’est capable d’enregistrer un film diapositif est bien inférieur à celle d’un film négatif. Pour une publication il vaut mieux utiliser du film négatif et numériser le négatif directement. Personnellement je recommande un film à 100 ISO comme la Superia de Fujifilm qui a une latitude de pose extraordinaire, ou le Portra de Kodak. J’ai vite déchanté de la Reala car elle est difficile à numériser : les bleus sortent assez gris dans mon scanner Nikon.
La numérisation des tirages papiers est très inférieure à la numérisation des négatifs.
Lorsque je faisais des photos de vitraux avec de la Superia je surexposais d’une bonne unité IL (en doublant le temps de pose) mes temps de pose (si ce n’est plus) et le scanner se rattrapait bien. Ceci permettait de ne pas avoir de couleurs trop sombres.
Pours maintes raisons je photographie les vitraux désormais en numérique.
Le film est cher et les labos disparaissent.
Je ne passe plus des soirées entières à numériser mes négatifs.
Le grain a pratiquement disparu avec le numérique.
Les couleurs me paraissent plus fidèles (mais les couleurs saturées des vitraux ne sont pas encore bien rendues par la chaine numérique).
L’assemblage d’images est beaucoup plus facilement réalisable avec le numérique parce que les appareils enregistrent les conditions de prise de vue dans les images.
Même si la dynamique d’un capteur numérique ne vaut pas celui d’un film négatif comme la Superia, on peut compenser avec une technique multi exposition (communément appelé « bracketting ») et en combinant les images résultantes avec un logiciel comme Photomatix ou Photoshop.
Photomatix est logiciel permettant de combiner des images à plusieurs temps de pose pour en faire des images « à haute dynamique ». Il coute à peu près 100 euros.
La possibilité de photographier avec une série d’expositions différenciée (en anglais « bracketting ») n’est pas toujours disponible sur les appareils de base. Je vous déconseille de le faire par manipulation de l’appareil car vous allez déplacer le point de vue. Je vous conseille évidement d’utiliser un câble déclencheur pour ne pas pousser l’appareil.
Je vous détaille la technique :
Prendre des expositions de -2EV, 0EV, +2EV (ceci est possible sur les boitiers Canon) en format « raw » car la dynamique est meilleur que le JPEG et la résolution aussi. Par exemple : la cellule du boitier propose un temps de pose d’un quart de seconde, alors je m’arrange pour qu’il y ait des temps de pose de 1/4 de seconde, 1 seconde et 1/16 ième de seconde.
Sur un boitier Nikon je prends 5 expositions de -2EV -1EV 0EV +1EV et +2EV car je n’ais pas le choix en ce moment. Le bracketting -1EV 0EV +1EV est insuffisant.
Regardez les trois expositions suivantes :
La premiere photo est l’exposition normale. Il manque un peu de détails dans le grain visage et certains morceaux de verre sont très sombres.
Dans la photo suivante nous avons l’exposition courte : Le détail du grain de la peau du visage ressort bien.
Et maintenant l’exposition longue : certains détails apparaissent dans les morceaux sombres mais le détail du grain de la peau disparait commplètement.
Ensuite, au retour chez moi je mets toutes mes séries de photos dans un répertoire que nomme 3Expo si c’est Canon et 5Expo si c’est Nikon. Attention de ne pas mélanger les series de photos à exposition différenciés avec les expositions uniques, car Photomatix ne s’y retrouverait pas !
Dans Photomatix je lance Batch Processing et pour les vitraux j’utilise le mode « fusion des images auto ajust », on peut aussi essayer « fusion average », mais on perdra quelques détails.
Voici la fusion des 3 Photos ci-dessus
Le mode « Enhancer » de Photomatix est à mon avis à déconseiller parce qu’il essaye de faire sortir des détails dans les barlotières, et parce que les couleurs ne sont pas très naturelles.
Si j’ai utilisé un téléobjectif alors il y a un risque d’un léger déplacement entre les photos alors l’utilisation de la fonctionnalité alignement des images est souvent utile. A vrai dire il faut parfois essayer plusieurs combinaisons d’alignement et de comparer les variantes avec un outil comme Fastone Viewer.
Avec une série de photos détaillés qui se chevauche il est possible de se créer un vue spectaculaire du vitrail dans son ensemble, à condition de ne pas perdre les données importantes comme la focale utilisée (les « données Exif ») et le type de boitier.
Autopano (un autre logiciel remarquable à 100 euros) permet d’assembler diverses vues et de créer une vue d’ensemble avec les effets de perspective corrigés automatiquement (a condition de commencer avec une vue à l’horizontale, que l’on peut enlever par la suite). Autopano permettrait aussi de fusionner des temps de pose différents, mais mes essais ont été défavorables à cet égard : il faisait disparaitre des petits détails.
Une problème est apparent sur les
images du détail de vitrail ci dessus:
Le bleu vire vers le violet sur les deux morceaux de verre en haut à
droite. C'est souvent plus marqué, et je ne sais pas ce que l'on peut
faire, à part une retouche manuelle.
Deuxième version.
© Henri de Feraudy 2010